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Messages - frenchteacher

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Le Hobbit / Courte Pause
« le: 06 mars, 2005, 11:29:14  »
En ce qui concerne cette Dernière Maison Simple d'Elrond, il faut savoir que le terme anglais est "homely". La traduction est certes "simple" au sens de "rustique", mais "accueillante". Je pense qu'il s'agit de la dernière maison "civilisée" avant le désert, en anglais "the Wild".
A+

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Le Hobbit / Une réception inattendue
« le: 02 mars, 2005, 12:43:13  »
Merci pour ce renseignement. Je vais donc rajouter dans mon livre que lorsque THORïn part pour l'aventure un JEUDI, ce n'est pas neutre, surtout que Gandalf parle d'un jeudi où le père de THORïn a disparu.
Je garde l'exclusivité de cette découverte pour mon futur livre. LOL !
French Teacher ;)  

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Le Hobbit / Une réception inattendue
« le: 01 mars, 2005, 19:10:59  »
A propos du nombre 13.
Je viens d'avoir confirmation qu'en Angleterre ce nombre porte malheur. En outre on me confirme l'origine de Freya's day pour le vendredi, et je vien d'apprendre que l'origine du jeudi était "thor's day". Que de la bonne vieille mythologie nordique !!
A +

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Le Hobbit / Grillade de mouton
« le: 28 février, 2005, 19:32:27  »
"Jabberwocky" est probablement la poésie la plus bien connue de Carroll. C'est le premier d’une série de poèmes fondées sur l’absurde qui parcourt le roman Through the Looking-Glass  publié en 1872, six ans après les célèbres Alice’s Adventures in Wonderland. Comme le poème est construit en respectant les structures grammaticales conventionnelles et emploie beaucoup de mots familiers, on ne peut pas le considérer comme manquant totalement de sens.
Dans le roman, Alice a traversé le miroir et trouve un livre écrit dans une langue qu'elle ne connaît pas, mais  quand elle tient le livre devant un miroir, elle peut lire "Jabberwocky," une ballade héroïque et railleuse dans laquelle le premier et le dernier quatrains sont identiques et enferment cinq strophes qui formulent la progression du héros : l’avertissement, la mise au point, la méditation et la préparation, la conquête et le retour triomphal. Le quatrain qui est répété fut d’abord publié en 1855 sous le titre Stanza of Anglo-Saxon Poetry. C'est cette strophe que Humpty Dumpty, rencontré par Alice peu de temps après la lecture de la poésie, a bien du mal à expliquer. La signification de la poésie est obscure à cause des éléments absurdes. D’ailleurs ces explications données par Humpty Dumty sont moins intéressantes que celles données par Alice : «  Ça a l'air très joli, dit Alice, quand elle eut fini de lire, mais c'est assez difficile à comprendre ! » (Voyez-vous elle ne voulait pas s'avouer qu'elle n'y comprenait absolument rien). « Ça me remplit la tête de toutes sortes d'idées, mais… mais je ne sais pas exactement quelles sont ces idées ! En tout cas, ce qu'il y a de clair c'est que quelqu'un a tué quelque chose… » "Somehow it fills my head with ideas—only I don’t exactly know what they are! However, somebody killed something: that’s clear, at any rate—"
Quelques chapitres plus tard, l'un des personnages de la Fantaisie de   Lewis Carroll fournira à Alice une explication du poème :

Il était grilheure ;
les slictueux toves Gyraient sur l'alloinde et vriblaient ;
Tout flivoreux allaient les borogoves ;
Les verchons fourgus bourniflaient.

Ça suffit pour commencer, déclara le Gros Coco. Il y a tout plein de mots difficiles là-dedans. « Grilheure », c'est quatre heures de l’après-midi, l'heure où on commence à faire griller de la viande pour le dîner.

– Ça me semble parfait. Et « slictueux ? » – Eh bien, « slictueux » signifie : « souple, actif, onctueux. » Vois-tu, c'est comme une valise : il y a trois sens empaquetés en un seul mot.

– Je comprends très bien maintenant, répondit Alice d'un ton pensif. Et qu'est-ce que les « toves » ?

– Eh bien, les « toves » ressemblent en partie à des blaireaux, en partie à des lézards et en partie à des tire-bouchons.
– Ce doit être des créatures bien bizarres !

– Pour ça, oui ! Je dois ajouter qu'ils font leur nid sous les cadrans solaires, et qu'ils se nourrissent de fromage.

– Et que signifient « gyrer » et « vribler » ?

– « Gyrer », c'est tourner en rond comme un gyroscope. « Vribler », c'est faire des trous comme une vrille ».

– Et « l'alloinde, » je suppose que c'est l'allée qui part du cadran solaire ? dit Alice, toute surprise de sa propre ingéniosité.

– Naturellement. Vois-tu, on l'appelle « l'alloinde », parce que c'est une allée qui s'étend loin devant et loin derrière le cadran solaire… Quant à « flivoreux », cela signifie : « frivole et malheureux » (encore une valise). Le « borogove » est un oiseau tout maigre, d'aspect minable, avec des plumes hérissées dans tous les sens : quelque chose comme un balai en tresses de coton qui serait vivant.

– Et les « verchons fourgus ? » Pourriez-vous m'expliquer cela ? du moins, si ce n'est pas trop demander…

– Ma foi, un « verchon » est une espèce de cochon vert ; mais, pour ce qui est de « fourgus », je ne suis pas très sûr. Je crois que ça doit vouloir dire : « fourvoyés, égarés, perdus ».

– Et que signifie « bournifler » ?

– Eh bien, « bournifler », c'est quelque chose entre « beugler » et « siffler », avec, au milieu, une espèce d'éternuement. Mais tu entendras peut-être bournifler, là-bas, dans le bois ; et quand tu auras entendu un seul bourniflement, je crois que tu seras très satisfaite. Qui t'a récité des vers si difficiles ?
– Je les ai lus dans un livre. Mais quelqu'un m'a récité des vers beaucoup plus faciles que ceux-là… je crois que c'était… Bonnet Blanc. »
Carroll a explicitement défini certains mots quand la première strophe de cette poésie fut publiée sous le titre Stanza of Anglo-Saxon Poetry.
Il a fourni un glossaire pour donner la signification de certains mots peu familiers ; cette liste a été incorporée plus tard dans l'interprétation de Humpty Dumpty dans Alice au pays des merveilles.
Le premier vers commence par la contraction du vieil anglais "it was » et  contient le nom "brillig" que Carroll indique venir de «  cuisson sur le gril » - « broiling » - ou de « griller en début de soirée » - « grilling » - d’où la suite en anglais : « (Br + ill + i[n]g).
Les « toves » sont censés être des animaux semblables aux blaireaux. Quant à l'adjectif "slithy", c’est un mot valise  composé d ‘ « agile » - « lithe » - et de « gluant » - « slimy ».
La définition de « gyre » dans la  suite est « rayer » ; « gimble », c’est « aléser des trous ».
Carroll nous indique de prononcer ces deux termes avec un "g dur" alors que l’anglo-américain le prononce avec un « g » mou.


Il est donc établi que « burrahobbit » - traduit par «  cambunhobbit » - est la contraction de cambrioleur et de hobbit. Puis Bilbo perd à nouveai tous ses moyens. Il est capable de faire alliance avec des Trolls pour les servir en qualité de cuisinier puisqu’il est attiré, comme eux, par l’excès de nourriture.
Bilbo est même sur le point de trahir ses compagnons les Nains en dévoilant qu’ils sont cachés dans le voisinage. Alors que William a de la pitié pour notre héros : « Le pauvre petit bonhomme ! Laissez-le aller ! », Bert veut comprendre les paroles contradictoires de Bilbo : « Pas avant qu'il ne nous ait expliqué ce qu'il entend par des quantités et pas du tout ». Les Trolls énoncent bien le statut de Bilbo à ce moment de l’aventure : « un pauvre petit bonhomme ».
Les Trolls se chamaillent et finissent par se battre. Bilbo n’en profite même pas pour fuir. Au contraire, les Nains ont adopté une stratégie complètement inadaptée. Au lieu de respecter la consigne qui consiste à utiliser un éclaireur, ils rompent la tactique en avançant vers le point dangereux. Non seulement ils viennent vers le danger, mais ils avancent en ordre dispersé : « ils étaient partis l'un après l'autre en rampant le plus silencieusement possible vers la lumière ». Le résultat ne se fait pas attendre : tous les Nains sont faits prisonniers. Il faut signaler que Thorïn se bat d’une manière héroïque. En fait, sur le mode de la dérision, le narrateur nous décrit plutôt une bagarre qu’une bataille légendaire : Thorïn « saisit une grande branche, tout enflammée à un bout; et Bert reçut ce bout dans l'½il avant d'avoir pu s'écarter. », Bilbo « fut envoyé au-dessus des buissons quand Tom décocha des coups de pied dans le feu pour projeter les étincelles dans la figure de Thorïn. », « Tom reçut la branche dans les dents et il en perdit une de devant. », le tout souligné par des onomatopées : « crac ! un vilain sac puant leur enserrait la tête et ils étaient jetés à terre ».
Thorïn a beau posé une question digne des épopées guerrières : « Qui donc a malmené mes gens ? « , le lecteur ne peut pas croire que le narrateur respecte les lois du genre : « Qu'est-ce que tout ce tintouin ? », « Ils se trouvaient dans un beau pétrin, maintenant tous proprement ficelés dans des sacs, avec trois trolls furieux (dont deux avaient le souvenir cuisant de brûlures et de contusions), assis à côté et discutant pour savoir s'ils devaient les rôtir à petit feu, les hacher menu pour les faire bouillir ou simplement s'asseoir sur eux pour les réduire en gelée ; tandis que Bilbo restait terré dans un buisson, les vêtements et la peau déchirés, sans oser bouger de peur d'être entendu. »
Le lecteur peut légitimement se demander si Thorïn est le descendant de celui que Gandalf retrouva prisonnier dans les cachots du Nécromancien. Quant à Bilbo, à la fin de cet épisode, il est dans un état pitoyable : « terré dans une buisson », il ne bouge plus. La peur le submerge.
A nouveau le récit est au point mort. Le narrateur a agi dans ce sens. Il ne peut plus y avoir un développement de la mission puisque le héros est terrorisé, les Nains sont prisonniers dans des sacs. Il n’y a plus d’histoire.
Par un procédé deus ex machina digne des pièces de théâtre, Gandalf revient à ce moment précis de l’histoire. Le seul personnage qui puisse débloquer la situation, c’est évidemment lui.
 

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Le Hobbit / Grillade de mouton
« le: 28 février, 2005, 19:30:54  »
Voilà la suite de ce que j'ai écrit hier et aujourd'hui. Il ne faut pas tenir compte de l'accent cockney : je pense qu'il s'agit d'une mauvaise hypothèse. Je penche pltôt pour du vieil écossais - mais je dois vérifier -.
Attention : il y a du désordre : je n'ai pas encore relu pour établir un plan avec des sous-parties structurées. Je ferai cela plus tard !

Le spectacle qui est offert aux yeux de Bilbo n’évoque pas l’épouvante. Ils sont présentés comme « trois personnages de très forte  carrure » - puis le narrateur, dans un souci de ménager le suspense, utilise des pronoms personnels de reprise : « ils ». Bilbo les voit manger et boire et sent « une bonne et appétissante odeur » se répandre alentour. Le danger n’est identifié qu’après cette présentation agréable. Bilbo identifie des Trolls à « leur grande et lourde face, à leur taille et à la forme de leurs jambes, sans  parler de leur langage, qui n'était pas du tout, mais là pas du tout celui des  salons ». Suit un savoureux dialogue entre les Trolls qui nous apprend dans une langue très familière – imitant l’accent cockney.
Tolkien a une véritable fascination pour les langues : il est philologue et il s’amuse depuis sa tendre enfance à créer des langues. Il ne peut que s’amuser à transcrire la vulgarité des Trolls à travers un accent qui a son origine dans l’East End de Londres.
C’est le mode de fonctionnement habituel de toute petite communauté, les  "cockneys" employaient tout un répertoire de mots et d'expressions qui n'avaient de sens que pour eux. Ils poussèrent le jeu très loin, en inventant un dialecte totalement  nouveau, un argot appelé « rhyming slang », en usage depuis le milieu du XIXe siècle. Il  consiste à remplacer un mot par une locution qui rime avec ce mot ; ainsi "stairs"  (escalier) devient "apples and pears" (pommes et poires) ; "phone" devient "dog and  bone" ; et "word" devient "dicky bird" ! Et pour déconcerter un peu plus les non-initiés, le  mot qui rime est souvent omis, comme dans "daisies" qui signifie "boots" (pour "daisy  roots").
Dans ce passage, c’est le langage très familier des Trolls qui est souligné, ainsi que leur lourdeur d’esprit. Les plaintes des Trolls font échos aux soucis des Nains : ils discutent nourriture et se plaignent de ne manger que du mouton. Pourtant un fait aurait dû faire fuir Bilbo et l’alerter sur le danger à pousser plus loin sa première épreuve. Les Trolls, répondant aux doux prénoms de William – affublé du charmant diminutif de Bill - Bert et Tom aiment  la chair humaine. William qui est le chef de cette compagnie rappelle à ses deux acolytes qu’ils ont dévoré un village et demi depuis qu’ils ont quitté les montagnes.
Bilbo aurait dû reconnaître la figure de l’ogre. Mais si le héros ne reconnaît pas cette figure célèbre, le lecteur n’a pas manqué de faire le rapprochement. Sans rassembler tous les textes qui précèdent l’½uvre de Tolkien Bilbo le hobbit pour entrer dans une critique génétique chère à Jean-Bellemin Noël et Raymonde Debray  Genette , parlons au moins d’intertextualité -  même si Genette préfère le terme de transtextualité à celui d’intertextualité proposé par Julia Kristeva .
Tolkien convoque consciemment ou inconsciemment le  texte d'un autre auteur dans son  écrit. En l’occurrence, il s’agit du « Petit Poucet » de Charles Perrault.
Cette ressemblance est très poussée. Rappelons que la pluie est un sujet de plainte des héros qui cherchent un abri pour la nui et qui échouent dans le fait de fabriquer un feu de bois. Dans « Le Petit Poucet », la situation est identique : « Il survint une grosse pluie qui les trempa jusqu'aux os; ils glissaient à chaque pas et tombaient dans la boue, d'où ils se relevaient tout crottés, ne sachant que faire de leurs mains. »
Puis nos héros sont attirés par un feu au loin. Que nous dit « Le Petit Poucet » ? « Il descendit de l'arbre; et lorsqu'il fut à terre, il ne vit plus rien; cela le désola. Cependant, ayant marché quelque temps avec ses frères du côté qu'il avait vu la lumière, il la revit en sortant du bois. Ils arrivèrent enfin à la maison où était cette chandelle, non sans bien des frayeurs, car souvent ils la perdaient de vue, ce qui leur arrivait toutes les fois qu'ils descendaient dans quelques fonds. »
Il est remarquable que le Petit Poucet, les Nains et Bibo sont tous préoccupés par une besoin de combler le manque de nourriture et qu’ils se jettent dans la gueule du loup, à savoir l’ogre, figure qui représente le cannibalisme.  Le Petit Poucet conduit ses frères à la cabane de l’ogre, ainsi Bilbo conduit ses frères nains – Bilbo est habillé en Nain et partage avec eux ce souci de la bonne chère – vers le feu qui est le foyer des Trolls. Ces deux héros sont donc à la fois porteurs de bonne et de mauvaise fortune ; en d’autres termes, ils sont ceux qui conduisent leurs compagnons vers le sacrifice, ce sont, selon Jung, « l’ogre lui-même  ».
Tout comme l’ogre de Perrault, les Trolls de Tolkien mangent du veau et regrettent de ne pas se nourrir de « chair fraîche. » « La femme de l'ogre, qui crut qu'elle pourrait les cacher à son mari jusqu'au lendemain matin, les laissa entrer et les mena se chauffer auprès d'un bon feu, car il y avait un mouton tout entier à la broche pour le souper de l'ogre. » Cette citation du conte de Perrault est à rapprocher de Bilbo : « « Du mouton hier, du mouton aujourd'hui et, le diable m'emporte ! ça m'a tout l'air de devoir être encore du mouton demain, dit un des trolls. » qui permet de mieux comprendre le titre de ce chapitre.
Le lecteur, tel la femme de l’ogre a envie d’avertir le Petit Poucet-Bilbo qu’il est en danger face à l’ogre. Mais  notre narrateur prend à nouveau un malin plaisir à jouer avec le destin de ses personnages. Bilbo a parfaitement accompli la mission commandée par les Nains : il a identifié ce qui se passait autour de cette lumière rouge. Il a remporté l’épreuve qui le qualifie en tant qu’éclaireur. Mais il n’a pas été engagé comme scout, il a un contrat de cambrioleur. Le narrateur omniscient nous rappelle cet état et nous raconte en utilisant le mode conditionnel, mode de l’hypothèse par excellence, ce qu’un vrai cambrioleur pourrait faire. Ce que demande le narrateur à son héros hésitant est symbolique.
« Un cambrioleur de premier ordre, légendaire, aurait à ce moment fait les poches des trolls - ce qui vaut presque toujours la peine, quand on peut y arriver; il aurait chipé le mouton même sur les broches, dérobé la bière, et s'en serait allé sans avoir été remarqué. » Réussir cette épreuve permettrait à Bilbo de s’imposer en qualité de cambrioleur légendaire.
« D'autres, plus positifs, mais doués de moins d'amour-propre professionnel, auraient peut-être planté un poignard dans le corps de chacun d'eux avant qu'ils ne s'en fussent aperçus. Après quoi, on aurait passé joyeusement la nuit. ». Ce haut fait d’armes permettrait à Bilbo de tuer l’ogre et il tuerait en même temps l’ogre du Petit Poucet en utilisant « le poignard » qui renvoie au passage du conte de Perrault : « Il alla prendre un grand couteau, et en approchant de ces pauvres enfants, il l'aiguisait sur une longue pierre qu'il tenait à sa main gauche ». Bilbo vengerait donc le Petit Poucet.
Or Bilbo tergiverse : il veut faire plaisir à Thorïn et il décide d’exercer une de ses compétences de voleur : le vol à la tire dans les poches des trolls. Si Bilbo commence bien, il est pris la main dans le sac. L’ogre du Petit Poucet sent la chair fraîche et se dirige vers le lit où les enfants sont cachés.
Le dialogue qui s’instaure entre Bilbo et les Trolls est d’une autre nature que le dialogue du Petit Poucet avec l’ogre. Le narrateur s’amuse beaucoup avec sa création. Pour faire ressortir le caractère niais des trois Trolls, le narrateur utilise le même procédé utilisé par Bilbo lors de son approche discrète du feu, à savoir la non reconnaissance. Bilbo ne reconnaît pas les Trolls au premier coup d’½il. Les Trolls ne reconnaissent pas un Hobbit au premier coup d’½il. « « - Crénom ! Regarde un peu ce que j'ai attrapé,  Bert ! dit William. - Qu'est-ce que c'est ? dirent les autres, s'approchant. - Du diable si je  le sais ! Qu'est-ce que t'es ? » Les Trolls, n’identifiant pas l’ennemi, lui demande son  identité. Bilbo perd lors de sa capture la confiance qu’il avait accumulée auparavant. Il avait réussi à devenir un éclaireur, il s’apprêtait à devenir cambrioleur chevronné. Le voilà à nouveau Hobbit peureux. Les Trolls n’ont même pas besoin de menacer notre « héros », ils n’ont pas besoin de le torturer : Bilbo est sur le point de dire la vérité : il commence par décliner son identité : « Bilbo Baggins », puis il va dévoiler sa fonction dans le conte : un cambrioleur. Mais après la première syllabe, Bilbo prend conscience qu’il en dit trop et termine sa phrase en indiquant son espèce : un Hobbit.
Comme les Trolls sont présentés comme des êtres peu cultivés, parlant une langue vulgaire, ils  s’emparent de la réponse de Bilbo pour créer un mot valise : jeu de mots consistant à prendre deux mots ayant  une partie commune pour fabriquer un néologisme. En anglais, c’est ce qu’on nomme un "port manteau word" : ainsi "smog" est le résultat de la combinaison de  "smoke" et "fog".
Comme l’écrit Tolkien dans une la Lettre 151 adressée à Milton Waldman à la fin de l’année 1951 : « Many children make up, or begin to make up, imaginary languages. I have been at it since I could write. But I have never stopped, and of course, as a professional philologist (especially interested in linguistic aesthetics), I have changed in taste, improved in theory, and probably in craft. Behind my stories is now a nexus of languages (mostly only structurally sketched). »
Humphrey Carpenter, dans « J.R.R. Tolkien. Une biographie », détaille l’enfance de Tolkien pour montrer d’où vient sa passion pour la philologie.
   Sa mère l'initia au latin dès le début de leur séjour à Sarehole. Il en était ravi et il s'intéressait autant au son et à la forme des mots qu'à leur sens. Elle comprit vite qu'il avait un don particulier pour les langues et elle se mit à lui apprendre le français.
   A son entrée en sixième, il apprit le grec. Sur ce premier contact avec le grec il écrivit un jour : « L'aspect fluide du grec, ponctué de moments durs, et sa surface brillante me captivèrent. Mais une part de cet attrait tenait à l'antiquité et à l'éloignement (par rapport à moi) : cela ne me touchait pas au coeur. »
L’enseignement de Brewerton fut déterminante : « C'était aussi un  professeur plein d'ardeur qui demandait à ses élèves d'employer les vieux mots  les plus simples de la langue anglaise. Si un des garçons employait le mot «  engrais », Brewerton lançait un hurlement : « Engrais ? Appelez ça du fumier !  Dites-le trois fois ! Fumier, fumier, fumier ! » Il les encourageait à lire Chaucer et leur récitait les Contes de Canterbury dans l'original en moyen anglais. Pour  Ronald Tolkien, ce fut une révélation ; et il décida d'étudier plus à fond l'histoire  de la langue. » ( page 39 )
A King Edward,  le latin et le grec constituaient l'essentiel du programme. Robert Cary Gilson, le professeur principal de la première, encourageait ses élèves à une étude détaillée de la linguistique classique. Ce qui était tout à fait conforme aux inclinations de Tolkien : et c'est en partie grâce à l'enseignement de Gilson qu'il se mit à s'intéresser aux principes généraux du langage.
   Connaître le latin, le grec, le français, l'allemand, c'était une chose. C'en était une autre que de comprendre pourquoi ces langues étaient ainsi. Tolkien avait commencé par examiner l'ossature, les éléments qui leur étaient communs ; il avait commencé, en fait, à étudier la philologie, la science des mots. Et ce qui le stimula particulièrement, ce fut d'apprendre à connaître l'anglo-saxon. Il continua à rechercher l'ossature de toutes ces langues, fouillant dans la bibliothèque scolaire et explorant les derniers rayons de la bibliothèque cornique (des Cornouailles), plus loin dans la même rue. A l'occasion, il se mit à trouver – et à recueillir assez d'argent pour les acheter – des livres allemands sur la philologie, « secs comme la poussière », mais qui pouvaient apporter des réponses à ses questions. Philologie : «l'amour des mots ». Car c'était ce qui l'avait animé. Ce n'était pas un intérêt aride pour les principes scientifiques du langage, c'était un amour profond pour la forme et la sonorité des mots, qui lui venait des jours où sa mère lui avait donné ses premières leçons de latin.
Conséquence de cet amour des mots : il s'était mis à inventer son propre langage.
La plupart des enfants fabriquent leurs mots. C'est ce qu'avaient fait deux jeunes cousines de Tolkien. Leur langue s'appelait l'Animalic et était surtout constituée par des noms d'animaux. Ronald apprit l'Animalic, et cela l'amusa. Un peu plus tard, une de ses cousines et Ronald inventèrent en collaboration une langue nouvelle et plus compliquée. Elle s'appela Nevbosh, ou néo-non-sens. Les deux cousins chantèrent des limericks en  cette langue :
Dar fys ma vel gom palt « Hoc
Pys go iskili far maino woc ?
Pro si go fys do roc de
Do cat ym maino bocte
De volt fact soc ma taimful gyroc » !
(Il y avait un vieil homme qui disait « Comment/Pourrais-je porter ma vache ?/Si je lui demandais/d'entrer dans mon panier :/Ça ferait un barouf terrible ! »)
   « Ce genre d'amusement donna une idée à l’adolescent Tolkien. Déjà, quand il commençait à apprendre le grec, il s'était diverti à inventer des mots qui aient l'air grecs. Ne pouvait-il aller plus loin et inventer tout un langage, quelque chose de plus sérieux et de mieux organisé que le Nevbosh qui, pour la plus grande partie, n'était qu'un déguisement de mots anglais, français et latins ? »  (page 48)
Adulte, Tolkien entreprit d'inventer une langue en prenant modèle sur une langue réel : ce fut l’espagnol qui enfanta le Naffarin.
La lecture du Primer of the Gothic Language (Livre élémentaire de langue gothique) de Joseph Wright déclencha l’invention de mots gothiques.
Tolkien travaillait  aussi à des alphabets de son invention ; un des carnets  de son temps d'école contient un système de symboles-codes pour chaque lettre de l'alphabet anglais.

Tolkien joue donc avec les mots et invente des mots-valises. Mais le  concept de mot-valise a été utilisé pour la première fois par Humpty Dumpty,  dans Au travers du miroir de Lewis Carroll, pour expliquer à Alice certains mots du poème " Jabberwocky ".
 Au chapitre 3 de De l'autre côté du miroir, de Lewis Carroll, on peut  trouver le plus étrange poème de toute la langue anglaise : Jabberwocky. Aucun  mot signifiant du poème n'existe, tous sont des mots-valises. Pourtant le livre  raconte une histoire, puisant sa force dans l'allusion phonétique et le rythme des  phrases.
« Sur la table, tout près d'Alice, il y avait un livre. Tout en observant le Roi Blanc, (car elle était encore un peu inquiète à son sujet, et se tenait prête à lui jeter de l'encre à la figure au cas où il s'évanouirait de nouveau), elle se mit à tourner les pages pour trouver un passage qu'elle pût lire… « car c'est écrit dans une langue que je ne connais pas », se dit-elle.
« Et voici ce qu'elle avait sous les yeux :
« YKCOWREBBAJ
« Sevot xueutcils sel ; eruehlirg tiatté lI
: tneialbirv te edniolla’l rus tneiaryG
; sevogorob sel tneialla xuetovilf tuot
.tneialfinruob sugruof snohcrev seL

Elle se cassa la tête là-dessus pendant un certain temps, puis, brusquement, une idée lumineuse lui vint à l'esprit : « Mais bien sûr ! c'est un livre du Miroir ! Si je le tiens devant un miroir, les mots seront de nouveau comme ils doivent être. » Et voici le poème qu'elle lut :


 

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Le Hobbit / Une réception inattendue
« le: 28 février, 2005, 19:03:13  »
Le récit subira de très nombreuses transformations avant d'être édité.  Tolkien commence là un livre d'un nouveau genre, alliant étroitement la  "grandeur" mythologique du Silmarillion avec l'humour et l'esprit plus "grand  public" du Hobbit.
En 1939 il donne une conférence à l'Université de St  Andrews en l'honneur d'Andrew Lang sur les Contes de Fées, conférence où il  évoque sa démarche d'écrivain et de créateur : faire une "Seconde création", qui enrichisse et embellisse le monde réel. « Du conte de fées » paraît en 1947.
Tolkien mettra quinze ans à écrire le « Seigneur des Anneaux », avec de nombreux à coups, des arrêts dus au manque de temps. En 1949, il finit le premier jet de son texte. Suivent plusieurs années consacrées à réviser puis à dactylographier le texte. Une querelle avec son éditeur, Allen & Unwin, retarde encore la publication. Tolkien aurait voulu publier d'abord le Silmarillion (encore inachevé), et se méfiait de son éditeur, qui l'avait déjà une fois rejeté. Mais George Unwin et son fils estimaient beaucoup le travail de Tolkien, et ils finirent par s'entendre pour publier le Seigneur des Anneaux d'abord, puis le Silmarillion quand celui-ci serait terminé. Les conditions de publication ne plaisaient pas beaucoup à Tolkien : à cause du prix du papier à l'époque, le livre fut scindé en 3 parties afin de mieux le vendre. Mais les deux premiers tomes furent enfin publiés en 1954, remportant un assez net succès du public et de la critique. En 1955, après un délai du à la confection de la carte (par Christopher, sur les indications de son père) et des appendices, est publiée la dernière partie du Seigneur des Anneaux. C'est à son fils Christopher qu'il sera donné de publier en 1977 enfin les textes majeurs de la sous-création de Tolkien, avec le Silmarillion, les Contes et Légendes Inachevées et la série History of Middle Earth.
Bien des modifications ont été apportées entre les différentes éditions de Bilbo dans le but de mettre ce conte pour enfants en conformité avec les Trilogie plus sérieuse.
Dans l'édition originale, Bilbo insère l'anneau à son doigt lorsqu'il aperçoit les Gobelins à la sortie des Monts Brumeux. Devenu invisible, il réussit à passer la garde. Dans l'édition subséquente, Bilbo porte déjà l'Unique lorsqu'il rencontre les Gobelins, mais celui-ci se glisse de son doigt et rend visible Bilbo – incident qui aurait pu lui être fatal. En réalité, l'Unique lui a joué un vilain tour, comme il l'avait fait auparavant à Isildur – ce dernier fut moins chanceux et y trouva la mort. L'Unique n'a qu'un maître : Sauron, le Seigneur Ténébreux. C’est que l'anneau de la première version se compare à un simple anneau magique, à celui des Nibelugen, alors que par la suite, il devient l'Unique de Sauron, anneau malveillant et source du mal dans les Terres du Milieu.
   Tolkien éliminera aussi toutes les allusions qu'il avait faites sur le monde des fées.
Les Nains aux capuchons gaiement colorés et sortant tout droit du conte  de Blanche Neige sont désormais de la lignée de Durin.
Gandalf, expert en pétards dans Bilbo, est Mithrandir dans Le Seigneur des anneaux, un Maïa incarné venu des Îles Éternelles ?
Bilbo fait partie de l'expédition non parce que Gandalf croit que le chiffre  13 est malchanceux (comme il est dit dans Bilbo), mais parce qu'il connaît le  peuple hobbit et qu'il présuppose l'importance du rôle de Bilbo dans cette  aventure. Ne l'oublions pas, les gestes et les décisions de Gandalf doivent refléter ce qu'il est véritablement : un Maïa incarné -une sorte d'ange -, envoyé par Illuvateur -le Créateur du monde. On apprend aussi dans « L'Expédition d'Erebor » que Gandalf avait prévu que Bilbo découvrirait l'Unique – tout comme il avait pressenti que Frodo serait le porteur du grand Anneau.
Il en est de même pour le Nécromancien qui deviendra le terrible Sauron,  servant du puissant Valar Morgorth.  
 

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Le Hobbit / Une réception inattendue
« le: 28 février, 2005, 18:58:24  »
Merci pour le renseignement sur le "yer", j'étais sur la piste de l'écossais, mais le vieux scottisch". Je viens de retrouver 4 volumes de Mossé sur l'anglais du moyen âge. Je crois que je vais trouver une réponse!

Merci pour le "nombre 13" au lieu du chiffre 13, je crois que dans mon livre je n'ai pas fait cette erreur qui ferait sauter au plafond tout prof de math!

En ce qui concerne les oeuvres que je fais étudier à mes élèves, ne vous en faites/ Certes il y a un programme, mais on peut prendre des libertés avec. Il y a longtemps que j'applique de loin les instructions officielles. En plus elles changent. J'ai connu environ 5 réformes. Comme je dis : "Les ministres passent, moi je reste." J'ai plutôt le souci d'écouter mes élèves et de leur proposer des documents qui les intéressent ; ensuite je peux étudier des textes qui me passionnent et qui passionnent les élèves.
J'ai la réputation d'un prof plutôt à part!

Pour ceux qui préparent le bac je me permets -j'espère que c'est toléré sur ce forum - de vous indiquer mon site : il y a plein de commentaires composés rédigés pour le français et la philo : tapez cyberpotache dans un moteur de recherches.

Tenez, puisque vous êtes sympas, je vais mettre en ligne tout le chapitre 1 : vous me direz ce que vous en pensez. N'oubliez pas que j'écris un commentaire au fil du texte et que je n'ai pas relu. Il y a donc des répétitions, des fautes de construction.

A+

 

33
Le Hobbit / Une réception inattendue
« le: 27 février, 2005, 20:01:19  »
Je suis intéressé par ce fameux chiffre 13 en Angleterre parce que ce n'est pas du tout ce que dit Gandalf. J'ai l'origine de Friday qui prouve que le vendredi 13 est  néfaste (c'est même l'origine du mythe).
Certes mon livre sera énorme, je le constate, certes il est scolaire. C'est normal : je suis prof et c'est bien mon intention de faire un livre scolaire. Il faut quand même savoir que j'écris en ce moment un commentaire au fil du texte : est-ce que j'en feari une synthèse par la suite ou le laisserai-je comme cela: je l'ignore pour l'instant. Mais il est évident que je le relirai et ferai quelques aménagements dans la rédaction.
Merci pour la contribution sur les Hobbits = les Anglais, je connais cette imterprétation, elle est dans les lettres de Tolkien. Pour l'instant je n'en ai pas eu besoin.
Je viens de passer mon après-midi à comparer la structure du Petit Poucet à l'épisode des Trolls.
Au passage, si quelqu'un a une idée de l'accent imité par Tolkien dans le langage des Trols où le "you" devient "yer", je suis preneur. J'ai fait des recherches et je suis sur une piste. J'aimerais la confirmation de mon hypothèse. Ne me dites pas que c'est cockney, on trouve cette interprétation partout et je pense que cela n'est pas vrai.
Bon courage à ceux qui passent le bac blanc demain !!
Moi, j'enseigne en collège et cela fait une vingtaine d'années que je fais étudier Bilbo à mes 6ème. Quant à la trilogie, je la fais lire de la 5e à la 3e. Les élèves en redemandent surtout depuis qu'il y a les 3 films. Je leur passe le DVD et je compare avec le texte : les cours fonctionnent à merveille.
A +

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Le Hobbit / Grillade de mouton
« le: 27 février, 2005, 15:54:10  »
Merci à tous pour vos remarques.
Il est évident que Tolkien fait une parodie du conte pour enfant. Il le regrettera en écrivant "sur le conte de fées".
Merci pour la précision sur Gripoil : je m'en doutais, mais en ce moment j'écris sur Bilbo et je m'interdis d'expliquer en fonction du SdA. Il est vrai que dans les Lettres, il y a beaucoup à puiser. Je les ai et je comprends un peu l'anglais. Il paraît qu'il va y avoir une parution des Lettres au milieu de l'année 2005. J'utilise aussi des livres en anglais, mais il y a peu sur Bilbo. Tout est axé sur SdA.
J'ai trouvé des faits intéressants sur le titre du chapitre 2. Je suis en train d'examiner cet après-midi l'ogre en comparant le rôle des Trolls à celui de l'ogre dans le Petit Poucet.
A +

35
Le Hobbit / Grillade de mouton
« le: 26 février, 2005, 20:57:45  »
Je suis content d'avoir obtenu une réponse, cela prouve que le forum est actif.
Comme je l'ai dit par ailleurs, sur le forum sur le chapitre 1, j'écris en cemoment un livre sur Bilbo, je donne - mais c'est brut de chez brut, je viens d'écrire cela cet après-midi et je n'ai pas eu le temps de me relire - mon commentaire:
Vous pouvez me donner votre avis : cela peut m'aider !


Bilbo se réveille donc le jeudi. Le narrateur n’est plus omniscient, il s’agit d’un point de vue interne : le lecteur découvre la maison telle que Bilbo la perçoit. Il n’y a personne et le héros fait tout simplement la vaisselle. Il pense qu’il a rêvé. Mais les sentiments de Bilbo sont ambivalents : il est à la fois délivré : « plutôt soulagé, tout compte fait, à la pensée qu'ils étaient tous partis sans lui et sans se préoccuper de le réveiller », mais déçu : « il ne pouvait se retenir d'éprouver un brin de déception ». A nouveau, la double personnalité de Bilbo Baggins, mais fils de Belladone Took. Puis Bilbo vaque à ses occupations. Si le chapitre s’est terminé par une montée en puissance de l’angoisse et de la peur, le retour à la banalité quotidienne est le sujet de ce premier passage du chapitre deuxième. La situation est presque identique à celle du chapitre I. Bilbo est dans son logis, s’apprête à prendre un second petit déjeuner par une belle matinée de printemps lorsque Gandalf intervient. Une seule différence par rapport à leur première rencontre : la porte est ouverte alors que dans l’épisode précédent , la porte de Bilbo est close et c’est lui qui introduit les Nains chez lui, bien malgré lui certes.
L’intrusion de Gandalf est un procédé comique : tout est bien établi pour le lecteur. Toutes les fonctions du conte sont mises en place : nous avons bien une mission : reprendre le trésor des Nains à Smaug ;  un envoyeur : Gandalf a réuni le  groupe pour effectuer la mission ; un destinataire : il s’agit pour les Nains de retrouver leur puissance d’antan ; un opposant : Smaug semble être l’ultime rempart à abattre ; un adjuvant : Gandalf – il faut bien remarquer que les aventuriers sont quatorze : treize Nains et Bilbo qui forme le quatorzième. Gandalf ne se compte pas parmi les aventuriers, sinon ils seraient quinze. Gandalf n’aurait pas autant insisté pour éviter le nombre maudit de 13. Mais il manque le héros ou du moins un membre de l’équipe : il traîne en robe de chambre, il fait la vaisselle, il fait le ménage, il siffle et s’apprête à prendre un second petit déjeuner. Bilbo vit en hobbit.
Gandalf vient bousculer son train train quotidien : l’irruption déclenche à nouveau l’humour. Gandalf ne fait que rappeler un fait connu de tous : le départ  était fixé à l’aube – «  il nous faut aller avant le lever du jour » est le leitmotiv de la chanson des Nains – et le magicien annonce un fait que le lecteur présentait : le soleil qui brille en ce matin printanier indique qu’il est précisément dix heures et demie. Mais Gandalf se garde bien d’indiquer la conduite à suivre : c’est parce que le hobbit n’a pas épousseté la cheminée qu’il n’a pas trouvé le mot glissé sous la pendule. Cette lettre est un contrat qui lie la société Thorïn à responsabilité très limitée : certes, la compagnie prend à sa charge les frais de voyage, promet un salaire : « un quatorzième des bénéfices totaux (s'il y en a) », mais insiste bien sur le danger de cette expédition en prenant aussi à sa charge les « frais d'enterrement ». Un contrat d’embauche en bonne et due forme de cambrioleur ! Cette convention indique aussi la date et l’heure de l'engagement : 11 heures précises. Il ne reste que dix minutes pour que notre « héros » se prépare et gagne l'auberge du Dragon Vert. Etrange nom que cette Auberge du Dragon Vert ? En plein pays hobbit, dont les couleurs préférés sont le jaune et le vert, il est logique que cette couleur verte soit associée au nom de l’auberge. Quant au dragon, il est à la fois le but ultime de la quête et point de rendez-vous du départ de l’aventure.
Quand Tolkien eut sept ans, il ne se contenta pas de lire des histoires de dragons, il entreprit d’écrire une histoire de dragon. « I first tried to write a story  when I was about seven. It was about a dragon. I remember nothing about it except  a philological fact. My mother said nothing about the dragon, but pointed out that  one could not say 'a green great dragon', but had to say 'a great green dragon'. I  wondered why, and still do. The fact that I remember this is possibly significant, as I  do not think I ever tried to write a story again for many years, and was taken up  with language.”  De cette époque, Tolkien ne se souvient que d’un détail philologique. Sa mère lui fit remarquer qu’on ne disait pas « un vert grand dragon », mais « un grand dragon vert ».
A-t-on déjà vu un héros qui n’est ni prêt psychologiquement ni prêt physiquement ?  « Il était bien essoufflé «  après avoir couru plus d’un mille. Un héros pantouflard, bedonnant, aimant la tranquillité n’a absolument aucune chance de passer les épreuves de qualification qui attendent un héros.
En outre, comment Bilbo peut-il être crédible, comment peut-il élever l’âme du lecteur : au début de sa quête, ce qui le perturbe, ce ne sont pas les péripéties extérieures, mais ses ennuis personnels : il a oublié son mouchoir.
Au milieu de l’équipée, Bilbo détonne. Les Nains « étaient montés sur des  poneys, dont chacun était chargé de tout un attirail de bagages, ballots, paquets. » Les  Nains ont tout prévu ; ils ont même pensé à trouver un destrier à la taille de Bilbo : « Il y  en avait  un très petit, apparemment destiné à Bilbo ». Bilbo est démuni : « je suis venu sans chapeau, je n'ai pas de mouchoir et je n'ai pas d'argent. ». Il est métaphoriquement nu ; ayant perdu sa personnalité de hobbit : Dwalïn l’a habillé en Nain – un capuchon vert foncé délavé et une cape de même couleur. Bilbo a honte et est la honte de la famille : seule la barbe le distingue de l’espèce des Nains.
Mais, en ce jeudi 28 avril, la compagnie se met en route. Gandalf, sur son cheval blanc – il n’avait pas encore dompté Gripoil -, est allé chercher une provision de mouchoirs, ainsi que la pipe et le tabac de Bilbo. Voilà de bien précieux auxiliaires pour se lancer dans une aventure. Il est vrai que ce début est placé sous le signe des réjouissances : « le groupe poursuivit son chemin tout à fait gaiement » : on raconta des histoires, on chanta des chansons ». Malgré le manque d’arrêt pour les repas, Bilbo trouve que cette aventure n’est pas si désagréable. Il est vrai que l’aventure commence sous les meilleures auspices puisqu’il fait beau, que la contrée traversée n’est pas hostile, puisqu’il s’agit de la contrée des hobbits. Mais le paysage change et le caractère de Bilbo se modifie aussi. La transition s’effectue par un passage dans des contrées avec un point de vue interne – à savoir celui de Bilbo – « où des gens usaient d’un langage étrange et chantaient des chansons que Bilbo n’avaient jamais entendues ». Ce passage vers l’étrange débouche sur les Terres Solitaires : terre inhospitalière : « il n’y avait plus d’auberges », « les routes devenaient franchement mauvaises », les collines se couvraient « d’arbres noirs ». Les vieux châteaux ont l’air sinistre, construits par « de mauvaises gens ». Le temps a changé en cette fin d’avril et ce début de mai : « il faisait froid et humide ». Dans la narration, il ne semble pas y avoir d’interruption. Pourtant le groupe a parcouru un long chemin, du temps a passé : d’avril, nous sommes passé à mai. Le lecteur sent que le danger est proche. Pourtant le narrateur n’est pas pressé de confronter ses aventuriers à des épreuves. En rupture avec le conte traditionnel où les péripéties abondent, le narrateur insiste dans les dialogues sur les soucis de ces combattants : il pleut - « je suis sûr que la pluie s'est infiltrée dans les vêtements secs et dans les sacs de provisions – et Bilbo regrette d’être parti à l’aventure. D’ailleurs le narrateur omniscient nous prévient que ces pensées seront récurrentes. Cette préoccupation gagne même les Nains qui cherchent un coin sec pour passer la nuit. Au milieu de cette inquiétude générale – où trouver un endroit sec ? – les aventuriers découvrent la disparition de Gandalf. Le caractère mystérieux de Gandalf est confirmé : son attitude de magicien n’a guère été confirmée, il apparâit plutôt comme un créateur de jeux d’artifices, comme un amuseur, parfois peu loquace : ses intentions dans cette aventure ne sont pas définies : « sans jamais dire s'il prenait vraiment part à l'expédition ou s'il leur faisait juste un bout de conduite ». Même les Nains semblent perdus lorsque Gandalf n’est pas là : ils voudraient utiliser sa « magie » pour se mettre à l’abri. Lors de cette pause, le narrateur marque nettement les faits qui démontrent que la belle harmonie du départ se brise : les Nains –experts en feu – n’arrivent pas à allumer un feu de camp ; Fili et Kili ont échappé à la noyade en essayant de sauver un poney qui portait de la nourriture. La discorde gagne la troupe.
C’est à ce moment que la troupe perçoit une lumière : « une lumière rougeâtre à l'aspect réconfortant ». Le narrateur, par cette indication, nous indique que les Nains peuvent espérer de l’aide. Il continue à ne pas informer le lecteur, qui découvre les événements tout comme les héros les découvrent. C’est le point de vue interne de la troupe qui domine. Les Nains marquent un nouveau ralentissement dans la narration en discutant sur la conduite à suivre. Nos héros hésitent sur un événement apparemment mineur : la perception d’une lumière rouge à l’aspect réconfortant. Et la discussion se termine en discorde. Les aventuriers subissent plutôt qu’ils n’agissent. Ils subissent non seulement le poids des éléments naturels imposés par le narrateur, mais aussi la charge de héros. Celui-ci prend même un malin plaisir à les engluer dans des actions qui les ridiculisent : « malgré toutes leurs précautions, ils produisaient passablement de bruissements et de craquements (sans compter une bonne dose de bougonnements et de grognements) en passant sous les arbres ». Les Nains ont décidé d’utiliser les capacités de Bilbo en les dépréciant : le cambrioleur est utilisé comme observateur, comme avant-garde, comme un éclaireur – un vulgaire scout – avec une mission très précise : « Il faut aller voir ce que c'est que cette lumière, à quoi elle sert et s'il n'y a aucun danger » et des consignes d’une rigueur saisissante : « Sautez et revenez vite si tout va bien. Dans le cas contraire, revenez si vous le pouvez ! Et si vous ne le pouvez pas, poussez deux ululements d'effraie et un de chouette, et nous ferons ce que nous pourrons ». Il est évident qu’un éclaireur, dès qu’il a fini sa mission, revient à son point de départ pour donner un compte rendu de sa mission. Si cela se passe mal, il aurait bien du mal à revenir. Et s’il ne revient pas, c’est que sa mission a échoué. Mais Bilbo est chargé, comme dans les aventures les plus périlleuses,  d’émettre un signal pour prévenir ses compagnons de son échec. Cela est digne de réelles aventures, mais le narrateur s’empresse d’ajouter que Bilbo n’a aucune idée de ce qu’est un ululement. Ensuite le narrateur nous emmène dans la cavalcade des  animaux : de la chauve-souris à la belette. Les périodes d’euphorie du narrateur précèdent les évènements catastrophiques. Ce ton fait penser à la musique d’un film qui souligne les moments légers ou dramatiques des séquences. Ce n’est sans doute pas un hasard si les sensations auditives dominent dans ce passage : « « deux ululements », « ululer », « hibou », »chauve-souris », « les hobbits peuvent se déplacer dans les bois sans faire de bruit, sans faire le moindre bruit », « ce boucan de Nains », « une nuit venteuse », « la cavalcade », « pas même une belette n'aurait bougé d'un poil de sa moustache ».
Comme à son habitude, le narrateur se moque de son héros, mais il lui reconnaît une qualité : la discrétion. Qualité partagée par tous les Hobbits. La mission proposée par Thorïn sied parfaitement à notre héros de fortune.
Le narrateur poursuit l’aventure en recourrant au point de vue interne : « voici ce qu'il vit ».
 :)  :)

36
Le Hobbit / Grillade de mouton
« le: 26 février, 2005, 14:28:28  »
Est-ce que quelqu'un a une suggestion à me faire sur le nom de l'auberge ? Pourquoi le Dragon ? Pourquoi Vert ? Moi j'ai deux hypothèses.
Enfin, le cheval de Gandalf est blanc. Quand Gandalf dompte-t-il Gripoil ?
Gandalf n'est donc pas le Gandalf du Seigneur des Anneaux. Il ne faut donc pas interpréter Bilbo à la lumière du SdA.
A +

37
Le Hobbit / Une réception inattendue
« le: 23 février, 2005, 19:44:48  »
Si quelqu'un a une suggestion sur ce que j'ai écrit, il est le bienvenu.

Bilbo le Hobbit commence par la célèbre phrase « dans un trou vivait un hobbit » : dès l’incipit, Tolkien ne perd pas de temps pour nous faire entrer dans son monde. Il ne cherche pas à construire un effet de réel comme dans la plupart des contes de fées. Il nous plonge directement dans l’imaginaire par le personnage du hobbit. (l’invention du peuple hobbit dans 319 From a letter to Roger Lancelyn Green 8 January 1971)
Il est remarquable de noter l’utilisation de l’article indéfini « un » : dans un trou vivait un  hobbit ». De la particularité, Tolkien va passer à une généralisation. Un Hobbit sera le représentant de sa race, et même désignera par allégorie d’autres races ayant le même comportement.
Dès la deuxième phrase, la description négative, en creux, du trou est importante puisque les adjectifs descriptifs forment deux champs lexicaux opposés qui s’opposent eux-mêmes à la réalité du trou du hobbit. « déplaisant, sale, humide » renvoient à un trou visqueux, adjectifs renforcés par les termes : bouts de vers et atmosphère suintante. On peut conclure que le trou possède les caractéristiques des antonymes des ces adjectifs : plaisant, propre et sec.
Le deuxième réseau d’oppositions implique une autre caractéristique à ce trou de hobbit : plus que l’opposition humide /sec, Tolkien insiste sur les caractéristiques du propriétaire de ce trou : trou « nu » implique un trou civilisé, où le propriétaire a élu domicile d’une manière définitive. Tous les mots « sans rien s’asseoir », « sur quoi manger » impliquent effectivement le confort, comme l’explicite le dernier terme du paragraphe. Tout le premier paragraphe est construit pour amener à une mise en relief de ce terme. Tolkien utilise un vocabulaire simple et même si naïf que la conclusion s’impose comme une évidence : un hobbit vit tout à fait naturellement dans un trou confortable : tout le monde le sait, sauf le lecteur qui vient d’en être informé dans cette ouverture.

Vient ensuite une description de ce logis. Une description faite sur le même mode. La communication entre le logis intérieur et le monde extérieur est assurée par une porte ronde, comparée à un hublot : comparaison avec le bateau. Tolkien y ajoute des détails pittoresques : la couleur verte, la couleur jaune cuivré du bouton qui, de par sa position « exactement au centre » implique un souci d’ordre. Tolkien continue sa description en pénétrant dans le logis : ce point de vue tourne résolument le dos au monde extérieur, un monde que Tolkien décide de ne pas explorer en ce début de roman. Il décrit le vestibule en insistant sur la forme : le tube ( forme ronde allongée ). Cette idée est reprise de manière insistante par la comparaison avec un tunnel. Si le tunnel renvoie à un aspect négatif, Tolkien prend soin de multiplier les termes positifs : l’adjectif « confortable » est mis au superlatif absolu ?, l’absence de fumée permet de dégager le côté positif : clair et aéré. Puis Tolkien ajoute les éléments de la civilisation : les lambris, les dalles du sol, la présence de tapis, les chaises cirées et les patères. Les sens sont invoqués : la vue pour tous ces objets de la vie courante, l’odorat pour l’absence de fumée qui prend au nez, la cire des chaises, l’ouïe qui n’est pas agressée par le déplacement des chaises sur le sol dallé puisque ces bruits sont atténués par la présence des lambris aux murs et des tapis au sol.
Un élément de la description montre un trait de caractère de ce hobbit – que l’on n’a toujours pas nommé - : ce hobbit aime les visites ; c’est pourquoi il dispose d’autant d’objets pour accueillir des visiteurs. Si l’on ignore toujours le nom de notre « héros », nous connaissons l’endroit où il vit : la Colline – nom très banal – dans laquelle s’enfonce le logis. Puisque tout est de plain-pied, les pièces ne peuvent disposer de chaque côté que d’un long couloir. Dans la description de ce logis en forme de souterrain, tout est absolument banal : aucune particularité n’est à signaler. Tolkien nous informe que les meilleures pièces, en l’occurrence les chambres, se situent sur le côté qui ouvre sur la lumière donnée par le jardin, les prairies et la rivière. Que de banalités après une première phrase tonitruante ! Un hobbit vit dans un logis enterré sous une colline auprès d’une rivière.  Pourtant il faut se méfier de ce refus d’informer : dans ce passage, la clé de la lecture réside dans l’abondance : il faut noter le pluriel des noms de pièces, il faut ajouter les précisions indiquées dans les parenthèses : nombreuses réserves, des pièces entières consacrées aux vêtements.  Pourquoi Tolkien donne-t-il autant d’importance à ces détails ?
 

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Le Hobbit / Une réception inattendue
« le: 23 février, 2005, 19:42:03  »
A propos du nombre 13, en Angleterre, il paraît que ce nombre porte bonheur : je voudrais plus de renseignements, si c'est possible. En outre, ce n'est pas du tout le sens indiqué par Gandalf qui fait taire la discussion en disant aux nains : ou vous acceptez un quatorzième ou il n'y a pas d'aventure. Enfin, j'aimerais que l'on me dise si 13 ne porte pas malheur le rapport entre friday et la déesse de la mytholgie nordique.
Salut à tous.
Continuez sur les forums, je viens d'achever mon commentaire sur le chapitre 1 de Bilbo. Bientôt, je vais aller faire un tour sur les chapitres suivants!!

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