J'aimerais revenir quelques instants sur les définitions car celles du Petit Robert ne présentent pas assez bien les différences d'utilisation entre Mythe/Conte/Légende ou qui restreignent ou élargissent trop leur portée...
Concernant les différentes interprétations du mot "Mythe"Au sens strict, les mythes sont des contes populaires à portée religieuse qui ont pour vocation d'expliquer l'univers et le sens de la vie. Ces histoires sont tenues pour vraies par le narrateur et par son public.
Encyclopédie Microsoft ® Encarta ® 2005. © 1993-2004 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
Dans la Grèce Antique,
mythos (le mythe) et
logos (la raison, ou la science) ne s'opposent pas. Tout simplement parce que le mythe a une fonction explicative; en précédant la théorie philosophique puis la théorie scientifique. Bachelard introduit le terme de rupture épistémologique pour qualifier la démarche qui consiste à rompre avec le sens commun, le fixisme pour adhérer à une démarche scientifique.
Mais avant cela, on expliquait les phénomènes naturels par des allégories qu'on appelle couramment "mythes" dans ce cas de figure. (
ex: les eruptions volcaniques liées à Hephaïstos qui travaille dans sa forge)
Ici, le mythe, histoire sacrée narrant les exploits des héros et des dieux, nous explique l'univers et les lois de la nature.
Pour ceux qui ont feuilleté
la République de Platon, on retrouve au niveau de l'allégorie de la caverne une première distinction entre les explications issues du monde sensible, basées sur la foi et l'illusion (on se retrouve ici du côté du mythe) et les explications issues du monde intelligible et basées cette fois des objets mathématiques ou des idées (on se place donc ici du côté de la raison). Platon a d'ailleurs souvent recours au mythe en tant qu'allégorie pour expliquer les choses de la vie ( cf le mythe de l'androgyne dans
le Banquet )
On retrouve cette même distinction chez Xénophane et Aristote.
Distinction Mythe-Légende-HistoireLes légendes sont des contes populaires qui, bien que traitant de sujets religieux, diffèrent des mythes en ce qu'elles évoquent ce qui s'est passé dans le monde après sa création. Les sujets en sont variés (vie des saints, histoires de loups-garous ou de fantômes, aventures surnaturelles mettant en cause le monde réel, etc.). La légende diffère également du récit historique par sa présentation, son style et ses objectifs.
Encyclopédie Microsoft ® Encarta ® 2005. © 1993-2004 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
D'après cette définition, la légende est comparée au récit historique tel qu'il était transmis autrefois par la tradition orale. Le récit historique est censé être objectif, contrairement à la légende qui laisse une grande part à la subjectivité et au talent de narration du poète.
J'ai montré précédemment que le mythe avait une vocation explicative à titre d'allégorie et s'intéresse aux lois de l'Univers. La légende, quant à elle, s'intéressera plutôt à l'Homme. La légende serait issue d'une conscience historique. Du fait de l'évolution de nos sociétés, l'homme a pris à un moment conscience de son appartenance à une grande Histoire qui dépasserait sa propre histoire personnelle mais qui intègrerait l'Histoire de l'Humanité. Graver son souvenir dans la mémoire de nos descendants, n'est-ce pas conjurer l'angoisse de la mort et essayer d'atteindre une forme d'immortalité ?
l'Histoire comme la légende nous rattache à un héritage passé, que ce soit celui des évènements réels que nous décrit l'Histoire ou que ce soit celui issus des aventures des héros du temps jadis, imaginaires ou déformées. La légende et l'Histoire racontent les exploits de nos aînés et de ce fait, ce sont des récits construits pour être transmis aux enfants de la Mémoire.
Bien que fondamentales, ces distinctions entre raison et mythe, entre mythe et histoire, ne furent jamais tout à fait absolues.
La place du mythe et de l'histoire dans la Bible a été l'objet d'âpres débats de la part des premiers théologiens.
Mythes et légendes font couramment l'objet d'une croyance religieuse, à la différence du conte qui est un récit profane.
La légende se situe dans l'Histoire, contrairement au mythe qui se situe en dehors et s'intéressera plus aux commencements ou à la fin des temps.
Le conte de féesLes contes de fées sont des récits de fiction. Ils se déroulent dans des pays imaginaires, peuplés d'objets et de personnages magiques et étranges. Ni le narrateur ni son public ne croient à la réalité de l'histoire. Par dérivation, le terme générique de contes de fées peut d'ailleurs s'appliquer à des histoires où n'interviennent aucune fée (...)
Encyclopédie Microsoft ® Encarta ® 2005. © 1993-2004 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
Le mythe ou la légende sont censées être comprises par le narrateur ou le public comme ayant une portée religieuse et font appel à la foi, ce qui n'est pas le cas du conte, récit profane destiné aux plus jeunes.
Le conte est plutôt une histoire fictive et symbolique qui, à travers ses personnages et les péripéties qu'il raconte, aurait un rôle "éducatif" voire moralisateur. Les contes de fées sont racontées aux enfants et joueraient un rôle dans leur développement psychique. ( cf
Psychanalyse des contes de fées Bettelheim )
Ce classement, bien que couramment accepté, est parfois arbitraire et il existe un chevauchement des genres.
j'en viens à citer ici, l'ami Tilkalin sur
CCF :
Cependant, ces trois genres littéraires constituent des types idéaux car de nombreux récits présentent un statut intermédiaire. Pour C. Lévi-Strauss, ces distinctions ne reposent sur aucun critère objectivable : le même récit peut être qualifié de "mythe" ou de "conte" selon qu'on l'envisage comme une manifestation du présent ou comme un vestige du passé.
Il n'y a donc aucune continuité entre les mythes d'origine et les récits légendaires qui présentent les actions accomplies par les héros comme la suite "logique" des événements survenus "aux premiers temps". Les termes "mythe", "conte"et "légende" ne désignent donc pas des objets en soi, mais des définitions ad hoc.
J"aurais très bien pu argumenter sur le fait que la Guerre de Troie était plus une légende qu'un mythe, du fait qu'elle narre les exploits d'héros légendaires qui auraient inscrits une page d'histoire. Mais je t'accorderai le mot "mythe" pour cet exemple-là :
- Parce qu'on pourrait presqu'assimiler la guerre de troie à un
mythe de fondation : la rivalité contre Troie pourrait être interprété comme le ciment de la Grèce avec l'union de toutes les cités contre un ennemi commun.
- Parce que des scientifiques se demandent si le chaval de Troie ne serait pas une simple allégorie, car le cheval est l'animal de Poséidon, et l'une des nombreuses cités successives de Troie qui auraient été détruites, la Troie VI a été anéantie par un séisme.
- Parce les chants d'Homère constituent la dernière étape dans le développement du mythe et de la religion en Grèce, à travers l'humanisation des dieux. (
Principes de la philosophie de l'Histoire par Gimbattista Vico )
on peut admettre une confusion de genre légende-mythe pour Arthur également.
Je reviendrais plus tard sur les différentes catégories de mythe... Là, je dois y aller :P