Hello tout le monde. Ci-après se trouve un extrait de Tolkien qui vient compléter mes arguments, puis un petit parallèle avec Jung. mais avant cela, je vais répondre à deux remarques de Forfirith.

Avant-dernier paragraphe - Même si Sauron avait pris une forme embellie (il était Annatar, le Seigneur des présents), il a du expliquer aux hommes ce qu'ils pourraient gagner grâce aux anneaux de puissance. Chaque race 'possède' des anneaux de puissance/pouvoir dont les caractéristiques correspondent à la signification qu'ils donnent au mot puissance/pouvoir (
power, difficile de choisir la bonne traduction). Quel pouvoir souhaitent-ils? Le Nains souhaitent la richesse, les elfes semblent vouloir stoper le cours du temps. Les hommes souhaitent le pouvoir sur les autres créatures (en bref, si quelqu'un veut préciser, ou critiquer, je l'y encourage). Les anneaux ne font que refléter les mauvais penchants de chaque race. Si les hommes acceptent les anneaux parce qu'Annatar leur promet le 'pouvoir' sur les autres.... ils succombent à leur mauvais penchant. De la même manière, Annatar à promis aux Núménoréens qu'ils pourraient détrôner les Valar. Et les Núménoréens ont été punis. N'oublions pas non plus que parmi les Nazguls, il y a trois
Núménoréens noirs. Pas si innocents que ça les hommes... Petit retrait hors d'Arda cinq seconde. Souvent, le diable est perçu comme un être qui ne fait qu'utiliser les mauvais côtés des êtres humains. La mal est déjà en eux et ne demande qu'à être réveillé. Voyez
Faust, ou une version plus moderne comme
l'Avocat du Diable (Keanu Reeves et Al Pacino). C'est toujours le même jeu qui se joue. Seuls les êtres qui sont entièrement 'bons' ne sont pas corruptibles. Je ne sais pas s'il en a toujours été ainsi, ou si le fait de tout recentrer dans l'être humain est caractéristique de la modernité. Peut importe.

Dernier paragraphe, sur les nains - Tout à fait d'accord, c'est ce que je dis. Les annaux de pouvoir accentuent les mauvais côtés des êtres à qui ils sont destinés. Les hommes ont des mauvais côtés qui sont des vices majeurs, qui mènent à la déchéance. Voyez Numenor, voyez les Nazguls, et 'la faiblesse des hommes' dont Elrond fait tout un plat dans l'adaptation de PJ. Alors que les nains n'ont que des vices mineurs.

Bombadil et l'unique - Si les anneaux ne font qu'accentuer un vice existant, et si Bombadil ne réagit pas à l'unique, c'est qu'il ne possède pas de vice. Qu'est-ce que cela veut dire? Quel sens donner au terme 'vice' ici. Le rapport
créateur-objet vu dans les posts précédents est-il valide pour l'expliquer?
Voyons ce que dit Tolkien à ce sujet. Je ne vais pas vous resservir tout ce qui a été dit sur Bombadil au Conseil d'Elrond, vous connaissez probablement le sujet par coeur. Par contre, voici un extrait de la lettre 144, au sujet de Bombadil:
"if you have, as it were taken 'a vow of poverty', renounced control, and take your delight in things for themselves without reference to yourself, watching, observing, and to some extent knowing, then the question of the rights and wrongs of power and control might become utterly meaningless to you, and the means of power quite valueless."
"si vous aviez, comme en ayant fait 'voeux de pauvreté', renoncé à tout pouvoir, et pris du plaisir dans les choses pour elles-mêmes sans référence à vous-même, regardant, observant, et dans une certaine mesure connaissant, alors la question des bons et mauvais usages de la puissance et du pouvoir pourrait devenir particulièrement vide de sens à vos yeux, et la signification du mot puissance sans intérêt."
(emphase et traduction sont de ma patte)Je pense que vous commencez à voir ou je veux en venir. Bombadil tel qu'il est décrit ici est une sorte de personnification de l'idéal du créateur qui crée juste pour créer, sans volonté d'acquérir un quelconque prestige personnel. J'ai longuement explicité ce problème ci-avant. Si un être, comme Bombadil, atteint cet idéal, l'anneau n'a aucun pouvoir sur lui. L'anneau n'a tout simplement rien à 'accentuer', le diable est tombé sur un os

.
Notez que cela ne veut absolument pas dire que je souscris aux théories fumeuses indiquant que Bombadil est Aulë. Je veux seulement dire que le rapport objet en soi et non objet pour soi est un thème récurant qui trouve une illustration tant chez Bombadil qui chez Aulë, et bien d'autres. Les Hobbits sont un autre exemple évident d'êtres préférant profiter de la vie (bière, pipe, etc...) que d'amasser du pouvoir (à quelques exceptions près, comme les Sacquet-de-Besace, mais le fait même que leur orgueil aie un aspect comique donne bien le ton en ce qui concerne l'(in)importance profonde donnée au pouvoir par la moyenne des Hobbits.) Les Hobbits ne sont pas immunisés comme Tom, mais ils n'en sont pas loin.
Cela pose des question intéressantes pour d'autres personnages comme Gandalf. Car Gandalf n'est pas insensible à l'anneau. Il a peur de le prendre. Gandalf n'est donc pas aussi 'pur', si vous me permettez d'user de ce terme euristique, que Bombadil. Cela, bien que nous ayons vu plus haut que l'étymologie d'Olórin suggère un haut degré de pureté. Olórin était donc considéré comme très pur pour un maïa. Reste qu'il aurait succombé au pouvoir de l'anneau. En fait c'est du donnant donnant. Si vous pouvez retirer quelque pouvoir de l'anneau, alors l'anneau vous détruira, il vous corrompra. Bombadil n'a rien à retirer de l'anneau. (Il y a tout un tas de passage que je vous invite à relire au chapitres VI, VII, et VIII du livre I du SDA. Les 'Bombadil est le Maître', 'son propre maître', 'les choses ne lui appartiennent pas, il est le maître', sont légion.) A mon avis, Olórin est effectivement totalement pur. Il voyage beaucoup par delà Arda et prend plaisir à découvrir et comprendre les choses. Le problème, c'est qu'en lui confiant sa mission d'istar, les Valar induisent en lui une faiblesse. Il doit vaincre Sauron et revêt corps d'homme. L'anneau peut le toucher car il lui donnerait le pouvoir de réussir sa mission. Mais concentrons-nous sur Gandalf l'istar.

Comment font des êtres qui ne sont pas totalement purs pour résister à l'unique. Prenons comme exemples bien connus, Gandalf et Galadriel, car les deux admettent que l'anneau les corromprait. C'est là qu'une petite phrase de Jung me paraît fort intéressante pour éclairer la discussion:
"La clarté ne naît pas de ce qu'on imagine être clair, mais de ce qu'on prend conscience de l'obscure." Pour Carl Jung, en chaque être humain (dans son inconscient) réside une
ombre. Un mauvais 'moi', ou penchant, qui ne demande qu'à prendre contrôle du moi, ou s'il ne le peut pas, à troubler le moi par le truchement de l'inconscient. (Cet aspect dual apparaît d'ailleurs assez clairement dans le personnage de Gollum, parfaitement adapté par PJ à l'écran.) Selon Jung, il ne faut pas essayer de nier, ou d'éliminer l'ombre (ce qui revient à la nier, car on en peut l'éliminer puisqu'elle est inconsciente). Pour Jung, il faut prendre conscience de son ombre et travailler avec, l'apprivoiser. Galadriel et Gandalf reconnaissent parfaitement leur envie de prendre l'anneau. Ils voient l'ombre en eux et en ont peur. C'est ce qui les sauvent, et qui en fait des êtres de 'clarté'. Boromir est l'exemple inverse. Quand il proclame vouloir l'anneau pour lutter contre Sauron, c'est sa soif de pouvoir qui ressort sans qu'il s'en rende compte. Il nie son ombre (Boromir, SDA, livre II, chap. X):
C'est folie de ne pas s'en servir, se servir du pouvoir de l'Ennemi contre lui-même. Les Impavides, les sans-merci, ceux-là seuls acquerront la victoire. Que ne pourrait un guerrier, un grand chef, en cette heure. Que ne pourrait Aragorn? Ou, s'il refuse, pourquoi pas Boromir? L'Anneau me donnerait le pouvoir du commandement. Ah! Comme je chasserais les armées du Mordor, et tous les hommes se presseraient sous ma bannière!
Boromir allait et venait, parlant de plus en plus fort. Il semblait presque avoir oublié Frodon, tandis que son discours roulait sur les murs, les armes et le rassemblement d'Hommes: et il tirait des plans de grandes alliances et de glorieuses victoires à venir; il abattait le Mordor et devenait lui-même un puissant roi, sage et bienveillant."
Pour Boromir, la défense du Gondor est l'objet qui lui permet de rehausser son prestige.

Conslusion - Le problème avec Bombadil et les Hobbits, qui ne pensent qu'à profiter de la vie, c'est qu'on ne peut lutter contre le mal. Les 'purs' ne comprennent pas le mal. La citation de Tolkien au sujet de Tom est plus qu'explicite à ce sujet. Ils ne comprennent pas le besoin de lutter contre. Raison pour laquelle le Conseil d'Elrond n'envoie pas l'anneau à Tom. Raison pour laquelle Gandalf s'efforce de réveiller un hobbit de temps à autre et de le faire participer à une aventure. Le même problème apparaît avec les Ents qui ne sont du côtés de personne (les Ents sont un peu des Bombadil à qui il manque une Baie d'Or)... Et pourtant! Ils vivent dans leur petit havre de paix, mais pas éternellement. Saroumane finit par troubler Fangorn. La Comté est réduite en esclavage au cours du SDA. Et Bombadil tombera aussi, fusse en dernier! On voit d'ailleurs que lorsque Manwë ordonne à Olórin de partir lutter contre Sauron, celui-ci est récalcitrant. C'est qu'Olórin fait aussi partie des purs... les sans 'ombre'. En conclusion donc, être totalement pur n'est pas la bonne solution, car on est à la merci des méchants. Il faut donc avoir une ombre, et avoir conscience qu'elle existe pour la tenir en bride. Bref, chaque être est soucieux de son prestige, orgeuilleux, et il ne doit pas le nier. Il doit travailler avec son ombre pour survivre face aux méchants.
Critiques bienvenues.